C'était demain.
Il y a trois ans, c'était déjà demain que tu allais naître.
Déjà trois ans, et pourtant le souvenir intact, la joie du nouveau père, cet instant éphémère de la beauté du monde juste avant qu'il s'écroule. C'était le soleil printanier, c'était le moment suspendu, l'éternité prise à ton souffle.
C'était demain, il y a trois ans déjà c'était aussi demain que tu allais mourir. C'était le temps se déchirant dans un cri resté immobile. C'était l'impossible à nos corps, c'était le sol se derobant, c'était l'impassible à ton air. Un air inerte et toujours lourd qui ne gonflait pas tes poumons : le chant muet du dernier cygne.
C'était demain, et ce fut longtemps tous les jours. Mon bras qui t'avait mis en terre qui gardait ta pauvre fraîcheur. Une froideur indélébile qui me glaçait longtemps la peau. Comme une banquise éternelle. Tes yeux mi-clos et ton prénom qui me suivaient à chaque instant - comme la tendresse de l'absence.
Et puis tout doucement, demain, ce demain qui était chaque jour, laissa sa place au lendemain. Au jour d'après, longtemps après, pareil aux fleurs de papyrus qui renaissent sur leur propre ruine, après des années de sécheresse. Fallait-il qu'il n'y ait plus de larmes, ou bien qu'en leur flot lacrymal elles avaient fait place à l'amour.
C'était demain, et cette fois ce soir, je parle bien de ce soir, cela sera vraiment demain. Le jour de ton anniversaire - où je n'ai plus rien à t'offrir que le devoir de vivre heureux. Ton petit frère à mes côtés, sa maman tout au fond du cœur. Les bonheurs simples, inestimables, de l'amour d'une femme et d'un fils.
Et la marque de ton passage comme un point de l'éternité gravé pour toujours à ma peau. Tu es ma force quotidienne. Tu es l'épaisseur de mes nuits. Tu es mon devoir de bonheur, ma promesse faite à l'univers de chérir chaque instant du jour. Tu es celle qui m'aura fait père. Tu auras été mon chemin : celui d'avant la renaissance.
7 mars Fleurir ta tombe Et te sourire
