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  • Photo du rédacteurParlons.anges

4 ans

Dernière mise à jour : 16 juin 2022

[07/03/18 - 07/03/22]


Ma fille, ma toute petite, mon tout petit bébé. Bientôt 4 ans, déjà 4 ans que ta tombe dakaroise, loin de moi, loin de nous, loin de tout, près du ciel peut-être, si tenté qu’il y ait un ciel, mais près de nous quand même, entre le cœur et les poumons, 4 ans que ta tombe n’est pas là et que je n’y suis pas moi non plus.


Il y a bien sûr les fleurs, que je missionne par voie de quelques amis encore restés là-bas et qu’ils posent sur ta tombe. Cet employé, commis des trous que l’on y creuse, qui sait où se situent les pierres que j’avais faites poser à ton nom et ton cœur. Il y a le soleil, lourd, toujours lourd, puisqu’il restera lourd, qui berce ton éternel comme un souffle immobile. Il n’y a pas ta mère, elle n’aura jamais pu retourner sur ta stèle. Mais tu ne lui en veux pas, bien sûr que l’on comprend. Chacun fait comme il peut, chacun malgré le temps, malgré son immobile, avance quand même sa route.


Il y a quelques photos, celles de la seule seconde où tu ne respirais pas. Celle avec ton body, ce tout petit vêtement, et que l’on a gardé. Ton visage encore rouge était presque vivant. La vie peut-être encore ne t’avait pas quittée, pas tout à fait encore, on te tenait tout bas comme accueille en soi l’amour de toute une vie. Telle une politesse pour mieux te présenter, à ta mère, à ton père, au souvenir du temps gravé à nos pupilles, tu semblais endormie.


Et cette autre photo, dans ton nid de baptême, le lendemain matin, déjà la vie ici, les traits de ton visage, ici ni l’un ni l’autre n’étaient plus avec nous. Déjà prête peut-être à entrer à ton antre, où je t’ai mis, moi-même, de mes mains inutiles, comme on y pose la mort, comme on y pose l’amour et qu’on meurt avec lui.


Il y a le sable aussi, j’en ai gardé une vasque entière. Il reste là, ici, loin de toi et ta terre, près de moi, comme une pluie silicate qui me relie à toi. J’ai appelé le cimetière, il y a peu, hier, avant-hier ou ce matin peut-être… c’est toujours aujourd’hui quand il s’agit de toi. Ce ne sera pas possible de te ramener ici. Je voulais que tu viennes, que ton corps me revienne, que ta tombe vienne ici. Ce ne sera pas possible. Il faut croire tout de toi maintenant appartient à l’ailleurs.


Et puis il y a l’amour, bien sûr qu’il soigne de tout. On ne peut pas le dire à de tous jeunes paranges. On ne peut pas le dire car quand le monde s’effondre, car il doit s’effondrer pour que la perte advienne jusqu’au creux de la chair, personne ne peut entendre que tout se soigne un jour. Mais 4 ans, mon enfant, 4 ans qui me séparent aujourd’hui maintenant du cimetière de Yoff, 4 ans de pleurs bien sûr, mais aussi, mais parfois, 4 ans aussi de vie, 4 aussi de joie.


Et voilà que ton frère, ton petit demi-frère, du haut de ses 15 mois, marche ici près de moi, près de nous, de sa mère, et de ses grands-parents. Et bientôt lui aussi, à quelques jours à peine de ton anniversaire, il marchera près de moi accompagnant sa mère devant monsieur le maire. 4 ans que le bonheur, car il y a du bonheur, n’est plus jamais le même. Car il est plus fragile, car il plus intense, car je le tiens cassant comme on souffle un cristal dans les feux souterrains des enfers renaissants. Je crois, je peux le dire, je le sais maintenant, je ne veux plus mourir. Et je vivrai pour toi.


Que je t’aime mon enfant, et que j’aime ton frère, et que j’aime sa mère. Et que je l'aime la vie, entière, oui toute entière, et ses souffrances trop grandes qu'on vient à en survivre.

Nelawan sama domm, dort ici mon enfant.




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