Tu sais, je ne suis plus vraiment triste.
Et c’est triste, que c’est triste, de ne plus l’être sans toi.
Cette tristesse, ma fille, mon tout petit bébé, je l’ai gardée longtemps comme une façon peut-être de te chérir encore. Chaque larme comme un baiser, chaque nuit comme une rencontre, chaque cauchemar comme un rêve : celui de te garder encore. Et l’indicible désir d’aller te retrouver et d’embrasser la terre.
J’ai lutté si souvent. En pensant un ailleurs, en avalant la peine, en la masquant souvent sous le collier figé d’un sourire mécanique. J’ai lutté si souvent, en me disant toujours que je luttais pour toi. Un peu comme une promesse, que cette vie-là, la tienne, la mienne, enfin la nôtre, devait compter pour deux.
Peu à peu, de fardeau tu es devenue une guide. Une étoile bienveillante. Celle que l’on connaît tous, d’une âme qui nous protège, d’une ombre qui nous console, d’une musique sourde que seuls les initiés peuvent entendre tout bas.
Parfois, l’autre musique vient me hanter aussi. Celle de ta maman. Quelle tristesse de chanter si seule dans son tourment. Cette peine ma chérie, ma toute petite enfant, je ne la donne à personne. Même pas à toi mon ange. Je crois que c’est la mienne, c’est le revers intact de t’avoir dans ma vie.
Hier, ton petit frère, ton petit demi-frère – quelle expression atroce – a débuté la crèche. Quel bonheur, c’est l’enfant du bonheur, c’est l’enfant de l’amour, c’est l’enfant de la joie. Pas un pleur, que des rires, des sourires, des éclats de soleil tombés sur nos chemins. Je l’aime. Tu sais je l’aime. Autant que j’aime sa mère. Je l’aime autant que toi.
J’ai deux tatouages au cœur. L’un qui s’appelle Achille. L’autre qui s’appelle Alma.
